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Charente (16) Vues anciennes - 148
raccord tâtonnant du côté de la façade sud-est, le
changement de mise en œuvre traduit plus sûrement un
souci constant de valoriser cette tour qu’une improbable
césure chronologique entre deux campagnes de
construction distinctes. Enfin, on a vu la relative
autonomie de cette tour dans sa distribution verticale,
favorisée par la petite vis et les gaines.
L’ensemble de ce parti-pris procède d’une mode des «
grosses tours » que de nombreux châteaux et maisons-
fortes construits ou reconstruits à partir de la fin de la
guerre de Cent Ans, jusqu’au premier tiers du XVI e
siècle, intègrent à leur programme. Il existe dans cette
époque de grande effervescence reconstructrice d’autres
modes architecturales concurrentes elles aussi destinées
à focaliser sur un élément hiérarchisé l’expression
architecturale du prestige seigneurial, voire féodal, du
maître d’ouvrage: je pense à la “tour-maison”, qu’on
peut aussi nommer “donjon-logis” , ou à la formule du
17
“donjon-porte” . La mode de la grosse tour flanquante
18
suppose un volume extérieur presque toujours
circulaire, un programme toujours mixte (résidentiel et
défensif), toujours lié au logis que la tour complète de
ses chambres de plan carré, mais souvent isolable des
appartements par des accès compliqués et une
distribution autonome. Cette mode n’est pas la moins
représentée dans le paysage monumental de la fin du
Moyen Âge. Réactualisation du couple: tour/salle,
classique dès l’âge roman, la grosse tour à la fois ouverte
et fermée vers le logis gothique emprunte certains de
ses caractères au superbe isolement des grandes tours
mixtes multiples, non liées à des logis, qui ponctuent
l’enceinte de quelques châteaux importants du règne de
Charles V: Septmonts, Blandy, Chevreuse,Tancarville...
quelque sorte concurrence. Elle intègre un appareil
défensif par ailleurs complètement absent du logis (fig.
8). Ces défenses à la fois opérationnelles et 17 J’ai déjà eu l’occasion d’évoquer cette forme à propos de deux
emblématiques du prestige seigneurial consistent exemples du milieu du XV e siècle présentés monographique-
principalement dans les trois embrasures à canon de la ment dans de précédents congrès archéologiques: La Tour de
salle-basse circulaire, flanquantes et frontale, et dans le Moricq {Congrès archéologique de France, Vendée, 1993, p. 201-209)
couronnement à mâchicoulis portant galerie circulaire et la maison forte de Rosières {Congrès archéologique de France,
Côte-d’Or, 1994, p. 145-154)
à parapet crénelé. De plus, cette tour domine les
18 Sur ce thème peu connu: C. Corvisier, “Le donjon-porte castrai
constructions par son élévation, qui comprend deux en France à la fin du Moyen Age. Émergence d’un thème
étages de plus que le logis, soit: une chambre architectural”, dans: Aux portes du Château, Actes du 3 e colloque
résidentielle et l’étage supérieur défensif. On note que de castellologie de Flaran, 1987, p. 71-83.
la transition entre le premier et le second étage de la tour
est marquée par un bandeau régnant au niveau de l’égout
des façades du logis. Au dessus de ce bandeau, la qualité
du parement s’améliore radicalement, n’employant plus
que la pierre de taille de moyen appareil. Malgré un
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