Page 237 - Canton_Mansle-0-wn
P. 237

Charente (16) Vues anciennes - 237


                                                         N O T E


                                                                SUR LE


               FANAL OU LANTERNE DES MORTS


                                                    DE CELLEFROUIN


                                                                  PAR
                                        M. JULES DE LAURIÈRE




        Je prendrai la liberté de recommander à l’attention de est  pratiquée  une  ouverture  en  carré-  long,  servant
        MM.  les  membres  de  la  Société  un  petit  édifice  du d’entrée au conduit intérieur, qui mesure 40 centimètres
        département de la Charente, digne assurément de tout de  côté  et  se  prolonge  jus  qu’au  dedans  du  cône
        l’intérêt de la Compagnie; — c’est le fanal ou lanterne terminal. Ce cône est percé, à sa première assise, de
        des  morts  de  Cellefrouin,  un  des  spécimens  les  plus quatre petites fenêtres rectangulaires au-dessus de quatre
        remarquables par ses proportions, sa forme et son état grosses colonnes orientées et destinées, selon l’usage, à
        de  conservation,  qui  nous  soit  resté  de  ces  sortes laisser rayonner la lumière autour de l’édifice. Il existe
        d’édifices  (1).                                             aussi  une  cinquième  ouverture  plus  petite  que  les
                  1
                                                                     précédentes, et située vers le milieu du cône .
                                                                                                                    2
        Il  vient  d’être  pour  moi,  ainsi  que  l’église,  ancienne
        abbatiale,  de  Cellefrouin,  le  but  d’une  excursion L’ouverture servant d’entrée au fanal est munie d’une
        accomplie  en  compagnie  de  M.  l’architecte  du petite tablette ou appui, formant console en saillie sur
        département  de  la  Charente  et  de  M.  de  Rencogne, l’extérieur de la colonne. Au moyen d’une échelle, on
        archiviste du même département.                              peut, mais non sans une certaine ‘difficulté, s’introduire
                                                                     à mi-corps dans cette ouverture et constater l’existence
        Ce  fanal  est  situé  dans  le  cimetière  de  Cellefrouin,.
                                                                     d’une armature ou barre de fer plate et horizontale, fixée
        au-dessus d’un coteau qui domine le bourg et son église.     ¿1 l’extrémité du conduit dans l’intérieur du sommet
        Il date du XIIe siècle; sa hauteur totale est de 12 à 13
                                                                     conique.
        mètres. Il se compose d’un soubassement circulaire de
        cinq gradins, sur lequel repose un piédestal à pilastres Cette barre, percée de trous juxtaposés et allongés, à
        portant  un  faisceau  de  huit  colonnes,  dont  quatre travers lesquels pourrait passer une corde en s’enroulant
        grosses correspondant aux quatre points cardinaux, et par-dessus l’espace plein qui les sépare, devait constituer
        quatre plus petites en gagées entre les quatre premières. un système de suspension analogue au mécanisme d’une
        Les tores de leurs bases sont munies de griffes, détail poulie,  pour  hisser  la  lampe  de  la  lanterne.  Il  existe
        que  je  ne  mentionne  que  parce  qu’il  est  très  rare  et encore, à l’entrée du conduit, une petite tige de fer fixée
        peut-être unique dans cette région archéologique. Le dans  le  joint  de  l’appui  et  provenant,  selon  toute
        tout est surmonté d’un sommet conique formé de huit apparence,  du  crochet  où  s’attachait  la  corde  qui
        assises  en  retraite  et  toutes  couronnées  de  dents suspendait la lampe.
        triangulaires du plus heureux effet. La dernière assise
                                                                     L’ensemble  de  l’édicule,  dans  sa  conception,  avec  sa
        ou pinacle consiste en une boule portant une croix, dont
                                                                     belle  teinte  de  gris  séculaire»  et  malgré  la  sobriété
        la tête a malheureusement été brisée.
                                                                     d’ornementation  de  ses  chapiteaux  épannelés,
        L’édicule  est  massif  jusqu’à  la  quatrième  assise  des commandée par la dureté des matériaux employés, est
        colonnes.  A  la  cinquième  assise,  sur  la  colonne  qui empreint  d’une  élégance  et  d’une  harmonie  qui  lui
        regarde le nord, à 3 mètres au-dessus du sou bassement, donnent un caractère vraiment saisissant d’originalité.
        1 Ce monument a été cité par un grand nombre d'archéologues  2 La lanterne des morts de Cellefroin a cinq ouvertures à son
        et figuré dans le Bulletin monumental et le Cours d’antiquités de M. sommet,  et  c’est  par  erreur  que  M.  Viollet-le-Duc,  dans  son
        de Gaumont, et dans la Statistique monumentale de la Charente de M. Dictionnaire (V architecture} dit que, contrairement à l’usage, elle
        l’abbé J.-H. Michon.                                         n’en a qu’une.

                                                           © CatillusCarol.Corp
   232   233   234   235   236   237   238   239   240   241   242