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Charente (16) Vues anciennes - 190
milieu duquel le clocher s’élève sur une coupole ingénieur en chef de la généralité de La Rochelle, sauva
octogonale; d’une abside en cul-de-four, flanquée de ce vieux monument en déclarant qu’il était susceptible
deux absides secondaires, mises après coup en de réparation. L’abbé, alors, pour réduire la dépense,
communication directe avec elle. Les arcs des voûtes de proposa de supprimer deux chapelles qui se trouvaient
la nef et de ses collatéraux ne sont que la continuation de chaque côté du chœur, non loin du sanctuaire. Il
des pilastres, sans autre transition que la mince corniche s’agit vraisemblablement de celle dont nous avons parlé
qui règne à la base du berceau dans toute sa longueur. et d’une autre qui devait être au nord, mais dont il ne
Les formerets seuls reposent sur des chapiteaux très reste pas de trace, le mur septentrional ayant été refait.
lourds, simplement épannelés ou ornés de volutes
Il fut convenu que les deux chapelles seraient détruites
rudimentaires. Dans le chœur, les chapiteaux sont traités
et que la nef resterait à la charge des paroissiens, ainsi
avec plus de soin, mais leur ornementation, maigre et que le “baffroy”, c’est-à-dire la charpente qui porte les
pauvre, quoi que variée, n’en trahit pas moins
cloches; mais on ne put s’entendre au sujet du clocher,
l’inexpérience de l’ouvrier. La coupole n’est éclairée que
que l’abbé voulait mettre entièrement au compte des
par deux oculus regardant sur l’abside.
habitants, tandis que ceux-ci prétendaient n’y contribuer
La façade, moins remarquable que le plan de l’édifice, que pour moitié .
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présente une large surface irrégulièrement partagée par
L’affaire pour le moment en resta là. Des réparations
une arcature et des colonnes engagées, dont quatre
furent exécutées plus tard ; mais il est difficile d’admettre
atteignent presque le pignon et se terminent par des
que la paroisse y ait employé 20,000 livres, comme les
larmiers semi-coniques. Le portail a été refait dans le habitants le prétendaient en 1789. Il est heureux, du
style ogival.
reste, qu’on n’en ait pas fait davantage, puisque l’édifice,
Vers le milieu du XV siècle on accola une chapelle au moins endommagé qu’on le disait, a pu attendre une
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flanc méridional du monument, dans le voisinage du restauration plus intelligente, exécutée en 1865 par M.
transept, et, pour la mettre en communication avec les Warin, avec mie sobriété qu’il serait à désirer, dans
nefs, on fit dans le mur une large baie, qui depuis a été l’intérêt du budget et de l’archéologie, de voir apporter
bouchée. dans tous les travaux de ce genre.
En l’an 1096 ou environ, le pape Urbain II attribua M. Usse, en étudiant son projet de réparation, constata
l’église de Cellefrouin et ses dépendances à l’abbaye de l’existence d’un caveau entre les quatre piliers de la
Charroux, et, le 24 novembre 1101, à la demande des coupole et y découvrit un tombeau. Si peu élevée qu’ait
moines, un concile réuni à Poitiers sanctionna cette été cette petite crypte, elle devait descendre au- dessous
concession. Tous ceux qui avaient quelques droits sur du niveau de la fontaine voisine et de la rivière, d’autant
cette église, notamment Jourdain de Chabanais et plus que celui du pavé était alors plus bas qu’aujourd’hui.
Amélie, sa femme, en firent l’abandon, et l’évêque C’est dans les réparations faites à cette époque qu’on
Adémar consacra cette transmission par le moyen releva le sol jusqu’au-dessus des bases des piles.
symbolique de la crosse et du couteau .
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La mise de l’abbaye en commende, vers les premières
La cure de Cellefrouin fut unie à l’abbaye en 1481. années du XVI siècle, en amena peu à peu la ruine. Il
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ne restait plus que six religieux en 1544, trois en 1653,
L’entretien de l’église, à la fois abbatiale et paroissiale,
un ou deux en 1725, et enfin en 1769 il n’y avait plus
incombait en partie à l’abbé, qui était décimateur de la
que le chambrier, auquel l’abbé faisait une pension. Le
paroisse, et en partie aux habitants. De part et d’autre
monastère dont- l’entretien était tout à fait négligé,
on ne cherchait qu’à s’en décharger. En 1769, l’abbé
tombait en ruines au commencement du XVIII siècle .
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commendataire, qui avait reçu de son prédécesseur une
indemnité assez considérable pour des répara tions La: situation féodale de l’abbaye sous le double rapport
négligées, suggéra même l’idée d’abattre l’édifice, se de la mouvance et de la juridiction, ainsi que des
réservant, paraît-il, de soutenir ensuite que sa prérogatives se rattachant à l’une et à l’autre, a donné
reconstruction incombait aux paroissiens, seuls inté- lieu à des difficultés qui, nées au XIII siècle, n’ont
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ressés à avoir une église, attendu que le couvent n’exitait peut-être été définitivement réglées que par la
plus ou du moins était réduit au seul chambrier. M. Usse,
8 Archives de la Charente, fonds de l’abbaye de Cellefrouin.
7 Cum sua pastorali virga et cuín cultello. — D. Fonteneau, Recueil, 9 Archives de la Charente, fonds de l’abbaye de Cellefrouin. —
t. IV, 89 et 125 (Bibliothèque de Poitiers). Gervais,Mémoire sur l’Angoumois, p. 95 et 96.
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