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Charente (16) Angoulême arrondissement - 159
un regard furtif à travers les quelques fentes des planches principale, le portail, à l'extrémité de la nef, qu'on
disjointes pour donner à leur curiosité un quelconque n'ouvrait que dans les solennités, pour recevoir l'évêque,
aliment d'information, qu'un rien satisfaisait. et qui était un véritable chef-d'œuvre.
Le maître fondeur, M. Paintendre, de Tonneins (Lot-et- J'ai relaté qu'il avait fallu diminuer cette nef dont l'état
Garonne), était venu s'installer à Marcillac avec son devenait périlleux; un écroulement menaçait de plus en
matériel, ses ouvriers, sa femme Mme Anita Paintendre plus.
et sa fille Blanche de mon âge, qui fut ma camarade
Le portail fut démoli et l'ouverture nouvelle ne mérite
pendant deux mois.
pas qu'on s'y arrête. D'ailleurs, toujours ouverte à tout
Aux yeux de la population, émerveillée de ce travail venant, elle offre aux regards des ruines regrettables.
auquel elle n'était pas habituée, M. Paintendre était un
Près des ruines de l'église on voit une fontaine presque
descendant de Vulcain: on le regardait avec admiration.
constamment au même niveau, dite fontaine de Saint-
Dans les conversations, j'entendais chaque jour chacun Maur.
demander comment on pouvait arriver à fabriquer un
Ce nom lui vient assurément de la maison de Saint-Maur
airain donnant exactement la note musicale exigée pour
qui posséda jadis le château de Marcillac, ce qui établit
l'harmonie du carillon: cela semblait tenir du sortilège.
une union étroite entre le cloître, l'ancien donjon et le
Comme épilogue à cette fonte de cloche il me vient à la fief.
pensée le fait anecdotique suivant, que me rappelait
On n'attribue plus de vertu à l'eau de cette fontaine,
dernièrement l'un de mes vieux condisciples et que nous
mais l'époque n'est pas éloignée où l'on croyait à son
appelâmes jadis “l'épidémie de prénoms”.
action bienfaisante sur les articulations déficientes. Ma
Aux environs du baptême de cette cloche naquit une mère m'en a appliqué des compresses sur les genoux.
fillette à l'hôtel du Lion d'or ou M. Paintendre était
L'un des ancêtres de la famille de Saint-Maur, qui se
descendu avec sa famille. Les parents de la nouveau-née
dispersa vers le sud, vécut en religieux à Aubeterre où
lui donnèrent le prénom d'Anita, celui de la femme du
il mourut.
fondeur qui nous en imposait.
Dans le cimetière où il fut inhumé avant d'être
L'exemple fut suivi, même pour la petite Blanche. Et
transporté dans les environs de Paris, on trouva des
pendant les quelques années suivantes, en copiant les
tombeaux taillés dans le roc. Les cadavres contenus dans
actes de naissances dont mon père avait fait les minutes,
que de Blanche et surtout d'Anita je transcrivis sur le ces tombeaux avaient tous été enterrés debout.
papier timbré officiel! Une troisième église avec son chapelain a certainement
existé dans le château. Je n'ai pu recueillir aucun
Trois portes accédaient à l'église en dehors de celles des
document confirmatif. Je le regrette .
1
sacristies.
1 Dans un précédent article (Etudes locales, décembre 1943, p. 146),
Dans ma jeunesse, la première en arrivant était
M. Ganachaud avait signalé l'existence de deux souterrains qui partaient
condamnée. Il a fallu la rouvrir après le dernier du château, l'un vers le nord, l'autre vers le sud-sud-est. On en a
affaissement des murs, en raison des dangers que les récemment découvert un troisième, au sujet duquel M. Ganachaud
autres offraient. Elle avait une certaine valeur nous adresse la note suivante:
“En novembre 1943, mon voisin M. Mauger, qu'intéressent vivement
architecturale. les études archéologiques locales, me fit part de la récente découverte
d'un troisième souterrain partant du château et se dirigeant vers l'ouest,
Un peu plus loin, à gauche, sur la même ligne, par la
dans la direction de Montaigon, commune de Gourville, demeure
seconde porte, très ordinaire, les fidèles pénétraient dans féodale vieille de quatre siècles.
le lieu saint en descendant plusieurs marches, comme Le hasard venait de l'en faire témoin.
dans une cave ce qui explique la fréquence des eaux dans Il s'était dernièrement rendu à Germeville, riant petit hameau situé à
1,500 mètres des ruines du château, chez un agriculteur qu'il trouva
ce contrebas toujours froid et malsain. La marche
creusant dans l'intérieur de sa demeure, près d'une cheminée en
supérieure formait palier, et à droite, à hauteur de main, réparation.
était scellé au mur un bénitier très ancien d'énorme Brusquement un écroulement se produisit, laissant à découvert une
dimension. excavation telle qu'il n'y avait aucun doute à reconnaître que là passait
un souterrain, troisième sortie du château, ignorée depuis des siècles
A gauche encore de cette grande porte, mais sur le plan et que les nombreuses années successives avaient comblée.
Munis d'une lampe électrique, le propriétaire et plusieurs autres
perpendiculaire, se trouvait la troisième porte, la
habitants purent descendre et explorer de front à deux personnes, sur
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