Page 157 - Canton_Rouillac-0-wn
P. 157

Charente (16) Angoulême arrondissement - 157

        de la Légion d'honneur, se disposait à la remplacer par      que les Beaux-Arts auraient certainement préservé des
        une grande chapelle dont l'emplacement choisi était au       méfaits du temps et maintenu dans l'état qui convenait.
        haut  du  champ  de  foire,  près  de  l'ancienne  maison
                                                                     Le prétexte de cette maladroite opposition était futile et
        Baudrier-Joly, lorsque la mort la surprit en 1854. Ce
                                                                     ridicule. Devant l'adolescent que j'étais M. Rivet a dit
        projet n'eut pas de suite jusqu'en 1941 où il fut repris
                                                                     plus d'une fois qu'il entendait rester maître chez lui et
        par M. l'abbé Dubois, curé de Marcillac-Lanville, qui le
                                                                     avoir la permission d'enfoncer une pointe où il le jugerait
        réalisa  avec  l'aide  financière  de  ses  paroissiens.  Mlle
                                                                     nécessaire sans être au préalable tenu d'en référer à une
        Clotilde Saunier fit don du local situé en plein centre
                                                                     direction non apostolique.
        sur le bord de la route nationale.
                                                                     M. le professeur Martin-Buchey a écrit:
        La paroisse de Saint-Michel était finie. II y a trois cents
        ans qu'elle fut réunie à celle de Lanville, dont l'église “qu'on a peine à s'expliquer que n'ait pas été classé ce

        était des plus remarquables de l'Angoumois.                  monument historique.”
        Cette église de Lanville, romano-byzantine, appartenait Je lui en donne la raison très vraie, puisque j'ai vécu de
        au prieuré de l'ordre de saint Augustin et remontait à la très près dans le milieu où ces faits se sont passés.
        fin du onzième siècle.
                                                                     Il est regrettable qu'une autorité religieuse ne se soit pas
        Dès le début du douzième siècle et dans la suite, des interposée  et  qu'alors  ces  oppositions  aient
        inscriptions tumulaires, qu'on pouvait encore lire il y a malheureusement prévalu.
        moins de dix années, recouvraient les sépultures de ses      Les susdits abbés considéraient le monument national
        prieurs,  sous  la  chaire.  Elles  ont  été  dérobées
                                                                     où  ils  officiaient  comme  leur  bien  propre.  Ils  ne  se
        dernièrement, comme le fut précédemment le fragment          contentèrent pas d'en disposer à leur gré et ils trouvèrent
        de l'église de Saint-Michel.                                 naturel, légal, de rejeter une surveillance qui était à leurs
        Le  prieuré  de  Lanville  eut  à  souffrir  des  guerres  de yeux une ingérence inadmissible. Mentalité spéciale qui
        religion. De son cloître de belle construction on voit priva l'église d'une organisation de conservation qui leur
        d'intéressants derniers vestiges qui diminuent avec le pesait et dont ils ne voulaient à aucun prix, dût l'édifice
        temps.                                                       s'écrouler. Il devenait inévitable qu'on subît un jour les
                                                                     tristes conséquences de cette sourde opposition.
        L'ouverture du grenier d'abondance est toujours très
        apparente, bien qu'on l'ait murée d'une maçonnerie qui Opposition  d'autant  plus  nuisible  à  l'art  sculptural
        n'est pas antérieure, à la fin du dix-huitième siècle.       médiéval que (je l'ai entendu affirmer par des experts
                                                                     autorisés) sous ce rapport notre église était la plus belle
        A gauche ce cloître servait de contrefort à l'église, mais
                                                                     de la Charente; de l'avoir laissée ainsi se dégrader par le
        le sous-sol était trop humide, de sorte que par leurs
                                                                     temps  fut  une  faute  presque  irrémédiable:
        infiltrations  très  fréquentes  les  eaux  ont  amené  un
        affaissement des murs de la nef et la chute des coupoles,    heureusement, l'architecte des monuments historiques
                                                                     de notre département a en sa possession la photographie
        sauf la plus grande, très belle, qu'on voit encore sous le
                                                                     de la grande façade disparue.
        clocher au croisement de la croix latine.
                                                                     Je dis heureusement parce qu'il vient de se produire un
        Après  plusieurs  séries  espacées  de  dépréciations  et
        d'usure  de  toutes  sortes,  de  siècle  en  siècle,  on  s'est  revirement: le classement a enfin été obtenu en 1942
                                                                     après une nouvelle démarche de M. le maire Bastard,
        trouvé, il y a cinquantaine d'années, devant une situation
                                                                     qui a eu l'excellente idée de faire prendre par son Conseil
        critique. Il fallu aviser en vitesse, mais il était trop tard.
                                                                     une délibération fort motivée et très documentée sur la
        On a réparé sans méthode et sans art, et la dépense fut
        inutile: l'affaissent reprit plus loin, et ce fut de plus en  valeur  archéologique  de  cette  église  et  des  restes  du
                                                                     cloître.
        plus lamentable.
                                                                     De tout temps, sans trop grande pluie, l'eau s'est mal
        Ce mal aurait été sûrement évité si, à l'instar sans doute
                                                                     écoulée autour de l'église où elle s'installait à demeure.
        de leurs devanciers, les deux curés de Marcillac-Lanville,
        MM. Rivet et Emmonnet, qui s'y sont succédé, que j'ai        D'abord elle séjournait aisément dans le cimetière au
                                                                     point de garnir le fond des fosses
        entendus récriminer au Conseil de Fabrique avant la
        dénonciation du Concordat, n'avaient pas empêché par
        leur influence le classement de ce précieux monument

                                                           © CatillusCarol.Corp
   152   153   154   155   156   157   158   159   160   161   162