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Charente (16) Vues anciennes - 205
couronne de feuilles enserrant la base de la corbeille, sud du transept). Ce couvrement a pu se faire en deux
avec des volutes aux angles et un masque humain sur le temps : le chœur et la croisée devaient être voûtés quand
dé médian. Cette adaptation du modèle corinthien était la nef, et au moins le bras sud du transept, ont enfin été
très fréquente dans les édifices romans depuis l’époque couverts.
carolingienne. Il existe à Cellefrouin une série de
chapiteaux d’aspect assez aplati, épannelés de façon La coupole sur trompes de la croisée semble d’une
parallélépipédique dans la partie supérieure et amplitude bien audacieuse pour la fin du XIe siècle et
tronconique dans la partie inférieure de la corbeille. Nus il est possible qu’elle ait été montée plus tard. Une
ou feuillagés, ils rappellent un chapiteau de l’absidiole coupole et un clocher étaient cependant prévus à cet
sud de Saint-Jean de Montierneuf, exécuté autour de emplacement, dès la construction au XIe siècle des piles
1070 et les chapiteaux du collatéral nord de la nef de de la croisée. De plus, la reprise des parties hautes du
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Saint-Savin, datant des années 1070-1075 . C’est le cas mur nord du transept et du doubleau de l’entrée de la
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des chapiteaux du passage sud entre le collatéral et le travée droite précédant l’absidiole sud sont peut-être les
bras sud du transept (fig. 15), tout comme ceux de traces d’une réparation effectuée à la suite d’une
l’absidiole sud. Parmi eux, notons particulièrement le dégradation ou d’un effondrement du clocher.
chapiteau feuillagé à l’entrée de l’absidiole sud et son
Les causes de l’interruption intervenue dans la
décor de palmettes aux angles, encadrant deux fleurons
construction de l’édifice restent problématiques, à
sur la partie centrale de la corbeille.
moins que la coupole d’origine ne se soit effondrée,
Toutes ces influences rattachent les productions de endommageant en partie le chevet et allongeant la durée
e
Cellefrouin au courant de la sculpture poitevine du des travaux. Ce serait alors seulement au XII siècle que
troisième quart du XI siècle. Le rattachement de l’on aurait remplacé la coupole d’origine et achevé le
e
l’abbatiale à Charroux semble cependant trop tardive couvrement de l’édifice, alors que le chevet était achevé.
pour être significative et expliquer à elle seule certaines Il faudrait pour cela envisager une couverture provisoire
similitudes du décor sculpté. sur la croisée, dont les piles devaient être construites.
Les étapes de la construction Par ailleurs, on peut observer, dans les combles de la
nef, que les voûtes de celle-ci s’appuient contre le sou
La technique de construction du bras nord du transept bassement du clocher, ce qui semble indiquer que la nef
apparaît comme la plus archaïque de l’édifice. Nous ne ne fut couverte qu’après construction des trompes de
connaissons pas avec certitude l’emplacement d’origine la croisée.
des bâtiments conventuels (probablement au nord de la
collégiale) et ne pouvons tirer d’argument fiable d’une En résumé, nous pourrions distinguer trois campagnes
de construction, grâce à l’observation des différentes
éventuelle économie de matériau du côté des bâtiments
techniques: en premier (lors de la fondation?), le bras
conventuels qui auraient caché une partie de l’édifice.
nord du transept; en deuxième, le chevet, puis les parties
Cependant, nous pouvons émettre l’hypothèse d’une
antériorité de la construction du bras nord du transept basses de la nef, de la façade et du bras sud du transept;
enfin, la croisée du transept et le couvrement de la nef,
qui aurait été l’une des premières parties construites,
avec une éventuelle reconstruction du couvrement des
avant même de commencer la construction de la nef.
parties orientales après effondrement ou destruction
En revanche, le bras sud du transept est construit de
meilleure façon que celui du nord et que les murs de la d’une partie de l’édifice.
nef, et de façon aussi soignée que l’abside et la façade,
Propositions de datation : Comme nous l’avons vu plus
entièrement en moyen appareil de pierre de taille. Le
haut, les techniques de construction des murs et des
transept étant proche du sanctuaire, il est logique de le
arcs (le petit appareil renforcé par du moyen appareil,
voir traité aussi bien que ce dernier. les joints larges, les arcs fourrés) permettent de rattacher
la collégiale de Cellefrouin aux constructions du XIe
Le couvrement de la collégiale a dû se faire après
siècle. D’autre part, les similitudes observées avec
construction de l’enveloppe de l’édifice (nef, bas de la
l’architecture de Lesterps (1040-1071) (19) et des
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façade jusqu’à la hauteur des chapiteaux de la nef et bras
édifices poitevins tels que Saint-Savin (1070-1075) nous
17 M.-T. Camus, op. cit., p. 178.
18 M.-T. Camus, op. cit., p. 178. 19 M. Ortiz, Églises de Charente, Paris, 1992, p. 26.
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