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Charente (16) Angoulême arrondissement - 43
eux pendant tout le règne de Charles V, malgré le traité obscures, au pied de cette motte qui fut puissante et
de Brétigny qui avait placé ses terres sous la suzeraineté guerrière, des logis de plaisance, châteaux ou simples
du Prince de Galles, duc d'Aquitaine. pigeonniers, élevèrent leurs tours paisibles: Menet,
Ferrière, Marandat, Sainte- Catherine, et toute une
Sous Jacques II, son fils, les Anglais prirent une seconde
bourgeoisie de petits hobereaux prit possession de cette
fois la ville, en 1431, et la gardèrent pendant dix ans,
terre noble, déchue de son antique grandeur.
commettant dans la région force déprédations et
cruautés dont le souvenir n'est pas encore Et maintenant, quels témoignages nous restent de ces
complètement effacé. "hauts et puissants seigneurs" dont nous avons esquissé
l'histoire? Bien peu de chose en somme. Une vieille
Mais, comme dit Elie Vinet, dans son “Antiquité de
église romane qui ne fut même pas leur œuvre et, dans
Barbezieux”, “il n'y a ni royaume ni place qui demeure toujours
cette église, un baron de pierre couché sur son tombeau,
en la même famille”. Cette noble famille de guerriers, ruinée
la tête mutilée, seul souvenir durable de ce:
par les dépenses de la guerre de Cent Ans, dut résigner
sa Baronnie sous le règne de Charles VII. En 1471, “Robert de Mont-Beron troisième, qui est enterré au cloître du
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François II de Montbron vendit sa terre à Marguerite de prieuré de la ville avec Jeanne, sa femme” .
Rohan, comtesse d'Angoulême, au prix de dix mille écus . L'église nous ramène au peuple qui l'édifia de ses mains
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La Baronnie passa ensuite tour à tour aux Montmorency, et, en ces lieux où il a tant bataillé et tant souffert, n'a
en 1527, aux de Loménie de Brienne qui l’achetèrent en laissé de lui-même que ce témoignage.
1624 pour 240,000 livres et obtinrent l'érection de La Il l'a élevée tout au commencement du XIIIe siècle,
Baronnie en comté. Enfin, en 1699, un simple maire dans l’ardeur d'une foi qui participait encore à la ferveur
d'Angoulême, fils d'un humble fabricien de l'église Saint- mystique des siècles précédents. Elle ne parait ni très
André de cette ville, Etienne Chérade, acheta à beaux riche, ni très belle dans la floraison de ses sœurs
deniers comptants la seigneurie de Montbron à laquelle angoumoisines; mais elle se montre originale dans sa
il joignit celle de Marthon en 1712. modestie et l'ouvrier anonyme qui la conçut fut un des
"Et voilà comment un bourgeois, marguillier de sa farcisse, voyait premier à risquer, dans les arcades de son chevet, la
son fils devenir d'abord noble de robe ou de cloche et, incontinent demi-hardiesse de l'ogive naissante.
après, haut et puissant seigneur (chevalier, comte de Montbron, Tournée vers le couchant angoumoisin, elle est
marquis de Clairvaux, baron de Marthon, Blanzac, La Roche d'inspiration limousine. Le portail en est pauvre
Chandry, Thuré, Manteresse et autres lieux, Conseiller du d'ornements et encore que la pierre en soit belle et
Lieutenant Général d'Angoumois), ce qui démontrerait une fois propice à la fantaisie pieuse de l'ymaigier, il est dénué de
de plus, s'il était nécessaire, que, sous l'ancien régime, une habile figures et de symboles.
administration des fortunes privées conduit à la richesse et par elle
“On sent qu'on a quitté la région où le calcaire semble se poétiser
au pouvoir, nonobstant tons les privilèges, lois et traditions" .
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sous mille formes symboliques; nous sommes aux limites de deux
Montbron n'a guère d'autre histoire que celle de ces pays. Les premières roches granitiques paraîtront bientôt. Il semble
possesseurs. Mentionnée sous le nom de "ville" dès le que l'art ne soit plus là dans sa patrie” .
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XVe siècle, - ville forte avec une enceinte et un château-
Si, tournant le dos à cette église qui a surgi malgré tout
fort, - elle mérite à peine ce nom aujourd'hui. Au XVIIe
à une époque d'aisance et de bonheur relatifs, nous
siècle, un gouvernement respecté ayant assuré la sécurité
dans les campagnes, ses murailles disparurent avec leurs prenons la route qui mène au Périgord et se dirige vers
Eymouthiers, dont le mince clocher pointe là-haut comme
cinq portes: du Prestin, de la. Basse-Ville, Porte-de-Fer, de
une borne mystique au seuil d'un monde interdit, dès
la Fontaine et de la Cahue. Alentour, des villages se
la sortie de la ville, vers l'endroit où devait s'ouvrir jadis
formèrent ou s'étendirent à ses dépens, aux endroits
la porte de la Cahue, nous frôlons à notre gauche une
même où nous les voyons aujourd'hui. Dans la vallée,
chapelle basse et sombre postée au coin d'un champ
où se passèrent aux siècles maudits tant de tragédies
vaste et pierreux, bordé de murs bas et moussus.
6 C'est Marguerite de Rohan qui rebâtit le château de Montbron dans
la forme médiocre qu'il a encore aujourd'hui et qui est peu digne
d'une si grande famille. 8 Corlieu, Receuil en forme d'histoire, p. 28. – Robert III de
7 Daniel Touzaud, Une seigneurie à la belle étoile. La Baronnie Montbron mourut en 1209.
de Manteresse, Angoulême, Coquemard, 1903. 9 H. Michon, Statistiques monumentales de la Charente, p. 304.
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