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Charente (16) Angoulême arrondissement - 40
Le Pays de Montbron
Albert, instituteur à Montbron
Les environs de Montbron révèlent au chercheur d'assez en passant par les "terres de Monseigneur" et la Tour
nombreux vestiges d'habitations de l'homme de Manteresse.
préhistorique. Les collines parfois abruptes qui bordent
Ce coin de terre est un livre aux multiples feuillets; et,
des deux côtés la pittoresque vallée de la Tardoire sont
si l'écriture en est à peu près effacée, on la retrouve
creusées de ci, de là, de grottes et de cavernes qui sans encore parfois suffisamment lisible pour pouvoir essayer
être comparables en importance à certaines autres de la
de retracer les principaux chapitres de l'histoire du
Charente ne semblent pas dépourvues d'intérêt. Leur
Montbronnais.
nombre, leurs dimensions, parfois imposantes,, les
trouvailles que les fouilleurs y ont recueillies, Il est permis de penser que les habitants de cette région
sembleraient attester que ce coin charentais fut, aux âges furent avant tout paisibles: malgré les manifestations de
les plus reculés, pourvu d'une population nombreuse la civilisation montante, malgré les mélanges des races,
qui s'intensifia à l'époque gallo-romaine pour en arriver les désordres des guerres, leurs venus premières ont
au moyen âge à constituer une véritable cité, forte par résisté à. toutes les emprises pour réapparaître dans leurs
sa position particulière et par le caractère de ses barons. descendants actuels qui forment la population la plus
accueillante et la plus calme qui soit.
Quand, du haut d'un de ses "monts" égrenés en chapelet
on laisse errer son imagination, on comprend que ce Les cavernes se sont closes, les huttes se sont évanouies,
lieu si délicieusement agreste avec ses gorges étranges, les tours écroulées; mais la Tardoire continue de préférer
ses dômes d'où la vue s'étend sans bornes, ses flancs ces délicieux endroits où elles muse an larges détours et
boisés, ses replis de terrain bizarres, ses plateaux ne les quitte qu'à regret pour presque en entier
minuscules, sa vallée étroite et saine, ait tenté l'homme disparaître. Ce coin de terre reste ce qu'il a dû toujours
autant par le charme qui en émane que par toutes les être: un pays de grand air pur, de vie active, d'hospitalité
conditions de sécurité qu'il pouvait y rencontrer. vraie et de séjours reposants.
Abrité la plupart du temps des vents du nord, blotti au Des poètes n'ont sans doute point manqué rie distinguer
ras de rochers à pic difficiles à descendre, protégé ces lieux et de rythmer leurs vers au bruit des cascadelles.
jusqu'à son seuil par une rivière large et souvent De Menet au Chambon, c'est toute une poésie si vivante
torrentueuse dont les méandres en arcs de cercle et si pure, si pleine de mystère, si puissante de magie,
"bouclaient" sa demeure, l'homme s'est, dès le début, qu'aucun ne peut résister à. la peindre. Mais, ces calmes
senti chez lui; et, ainsi protégé par la nature, il a pu s'y solitudes, en filtrant jusqu'au fond de l'être leurs
développer, tout à l'aise jusqu'aux temps où, sortant de délicates séductions, font délaisser très tôt le poème
ses cavernes, il a occupé les plateaux et les a envahis. ébauché pour jouir de tout l'enivrement que savent
Les fouilles qui ont été faites étagent parfaitement les provoquer leurs charmes.
divers âges de l'humanité de ces lieux. Tout au bas, dans Les poètes, pris de plus en plus par l'intimité pénétrante
les cavernes en bordure de la rivière, ce sont, mélangés de ces paysages exquis, ont laissé leur âme en savourer
à des ossements d'animaux paléontologiques, des cornes les délices; et lentement, alors, leurs rimes se sont tues.
de rennes taillées, des silex éclatés, des silex polis; puis,
Etudes Locales, 4 année, n. 40, avril 1924, pp. 89-90
e
en haut. sur le coteau, des haches de bronze. Par ici, des
restes de pilotis et. par là des débris de dalles romaines
et de mosaïques, enfin, des amas de pierrailles, derniers
restes des forteresses du moyen âge. Des noms
perpétués de siècle en siècle viennent témoigner des
échelons par lesquels notre humanité s'est petit à petit
élevée depuis le lieu dit "Les Justices" et sa légende des
Fourches Caudines, jusqu'aux "Mottes",
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