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La Grande Fosse d'Agris
Ce vaste trou a toujours été effrayant; et, autrefois, les que le travail sera exécuté en une nuit, c'est-à-dire complètement
gens d'Agris pensèrent à le combler. terminé le matin avant que le coq ait chanté. - J'accepte, dit le
Diable; et dès la nuit prochaine je remplirai mes engagements”.
Ils se réunirent un jour pour prendre une décision à ce
sujet. La séance fut très orageuse, car les avis étaient Aussitôt la nuit venue, il prit sa grande hotte; alla la
partagés: les uns pensaient que si chacun selon ses remplir et vint la verser dans la Grande Fosse; il était
moyens, voulait conduire des matériaux dans le trou, il environ trois heures du matin. Il fut bien étonné, car il
serait bientôt comblé; les autres, au contraire, faisaient croyait la combler en une seule fois et il voyait que sa
remarquer que, quand même on emploierait tous les charge ne paraissait guère dans ce vaste trou. Au
jours, toutes les charrettes de la commune, on ne moment où il partait pour remplir à nouveau sa hotte,
pourrait peut-être pas la remplir en un an. Et où prendre le coq chanta. Alors le Diable s'en alla furieux d'avoir
les remblais nécessaires? Puis ils ajoutaient: échoué dans son entreprise et il rompit par ce fait, son
pacte avec les gens d'Agris, qui gardèrent leur âme pour
”Nous ne pouvons pas faire que cela; il faut aussi travailler les
le bon Dieu.
champs pour vivre”.
Tout le monde peut voir, encore de nos jours, la hotte
Enfin dans le feu de la discussion, l'un d'eux s'écria:
du diable dans la Grande Fosse d'Agris.
”Je vous dis que, pour combler cette fosse, il faudrait que le Diable Etudes Locales
s'en mêlât! Et bien! qu'il vienne donc, le Diable! s'écria un autre,
et qu'il fasse la besogne!”
Ces paroles étaient à peine prononcées que l'assemblée
vit apparaître un homme qui était grand, bien mis, et
possédait une belle tournure; mais il avait des griffes au
bout des doigts, une queue au derrière et des cornes sur
la tête. C'était le Diable!
Il leur parla ainsi:
”Vous m'avez appelé pour combler votre grande fosse; je suis prêt
à exécuter le travail, mais à une condition, c'est que si vous
consentez à me donner l'entreprise, toutes les âmes des habitants
de votre commune m'appartiendront. Considérez que pour faire
ce grand travail, je ne vous demande pas d'argent; je me contente
de vos âmes!”
Ces paroles rassurèrent l'assemblée, qui tout d'abord
avait été effrayée de la présence du Diable au milieu
d'elle. mais peu à peu, elle se ressaisit et bientôt on
discuta; on pesa pour ainsi dire, les paroles du Diable,
et on comprit que, si on acceptait son offre, il pouvait
faire durer le travail indéfiniment, et, avoir de cette
manière, non seulement les âmes des habitants présents,
mais aussi celles de ceux à naître; on ne pouvait pas
prendre un engagement qui portait sur l'avenir! alors un
délégué de l'assemblée fit cette réponse au Diable:
”Pour consentir à la proposition que vous nous faites de combler
notre Grande Fosse, nous mettons nous aussi une condition; c'est
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