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Charente (16) Vues anciennes - 53
Les Brigands de Braconne
Justice Royale (1610)
Ardouin-Dumazet
Communiqué par M. Trapateau, instituteur aux Seguins de Ruelle
Le 15 juin 1610, il y avait grande animation dans la cour la poterne, et, par le fond du vallon de l'Anguienne,
du Châtelet, à Angoulême. Quelques carrosses attendaient alors presque inhabité, se dirigea vers l'Est.
devant le portail, une troupe de gens du roi gardait les
En ville, les cancans allaient leur train; cette convocation
abords du vieil édifice; tout autour se pressait une foule
soudaine du Corps de ville, cette arrivée de délégués
de Bourgeois avides de se trouver près d'un endroit où
royaux la présence du bourreau, tout cet appareil
devait se passer quelque chose.
mystérieux ne pouvait manquer de faire jaser dans une
Le matin même était arrivé de Paris, dans un carrosse cité alors à peine peuplée comme le Barbezieux de nos
conduit en poste et escorté par un peloton de jours.
mousquetaires, un envoyé spécial de la régente, Marie
Le cortège marcha rapidement, malgré les fondrières,
de Médicis, accompagné de deux conseillers au Parlement
malgré les ornières, fit une halte à Hurtebise, propriété
de Paris. On savait que le maire alors M. Jacques le
de la famille des Cars, alors comtale, ducale aujourd'hui,
Meusnier, sieur de l'Artige, conseiller du roi , trésorier
traversa Garât et se dirigea sur Touvre, village situé
général de France en la. généralité de Limoges, avait
au-dessus des sources de la rivière.
immédiatement convoqué les échevins et conseillers;
que ceux-ci avaient désigné plusieurs d'entre eux pour II atteignit ce hameau vers trois heures de l'après-midi.
accompagner l'envoyé du roi et que le bourreau avait
été mandé. Devant l'église, on mit pied à terre et, envoyé du roi,
conseillers au Parlement, membres du Corps de ville
Toutes ces nouvelles avaient mis la, ville dans un état d'Angoulême gravirent la butte qui domine le village,
d'émotion facile à comprendre, aussi les abords du espèce de plate-forme supportée par une courtine reliant
Châtelet et du château étaient-ils encombrés comme deux tours, restes d'un ancien château des évêques
nous l'avons dit. d'Angoulême, détruit pendant les démêlés des prélats et
des comtes.
Il était environ neuf heures du matin, quand une rumeur
s'éleva parmi les bourgeois assemblés. M. Sur cette étroite terrasse prit place le marquis d'Eclose;
les personnages de sa suite se rangèrent en cercle autour
Hélies Laisné, lieutenant particulier, et M. Pierre Terrasson,
de lui.
échevin; M. Horace-Pierre Bourgoing et M. Antoine Moreau,
conseillers, arrivaient, accompagnant les deux conseillers Le spectacle était solennel.
au Parlement de Paris.
Groupés autour de l'envoyé royal, nobles, magistrats,
Ils reçurent et rendirent force saluts, puis entrèrent dans échevins, bourgeois d'Angoulême, paysans accourus de
te Châtelet, dont la lourde porte se referma sur eux. Magnac, de Touvre, de Garât, de Ruelle, présentaient, par
la diversité des attitudes et des costumes un pittoresque
Ledit escadron s'arrêta devant la porte du Châtelet,
celle-ci s'ouvrit et l'on vit dans la cour, rangés en bon tableau.
ordre, les carrosses des conseillers du Parlement et de Au pied de la colline, le Dormant, sombre, béant entre
Messieurs du Corps de ville. Le marquis et le maire les buis du ravin; près de lui, le Bouillant lançant
mirent pied à terre et montèrent dans l'une des voitures, au-dessus du lac immobile une gerbe d'eau par instant
puis le cortège s'ébranla, prit la porte Périgord, qui était abaissée en forme d'ampoule.
située à peu près où se trouva aujourd'hui la place de
l'Hôtel-de-Ville, descendit par la rue du Sauvage, non L'étendue bleue du fleuve, la lointaine perspective de la
moins roide et étroite alors que maintenant, passa sous vallée de l'Echelle, les collines, plus boisées alors,
profilant sur le ciel leurs escarpements de calcaire; tel
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