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Charente (16) Angoulême arrondissement - 274
(Communiqué par H. Cony, instituteur à Cognac.) séances de café-concert à Montbron, Montemboeuf, La
Albert, instituteur honoraire Rochefoucauld, Piégut, Nontron, Saint-Mathieu, Angoulême et
même au delà.
II
Mme Voisin, - la “Catherine”, - joue également du
L'Auteur de Notro Balêdo: saxophone. Quelle merveille! On accourt de. toutes part
voir cette musicienne avec son énorme instrument.
Léonard Voisin Deux antres femmes, enrôlées par Voisin, chantent
pendant que le couple joue. Durant deux années,
L'auteur de “Notro Balêdo” est un de ces bardes
peut-être davantage, Léonard Voisin jouit pleinement de
régionaux, ménestrels ou jongleurs moderne, qui
cette vie de bohème et de rêve, dans laquelle il se débat
naissent parmi le peuple pour en être les chantres et
et qu'il doit abréger.
dont le lyrisme enflammé illumine la vie et la consume.
C'est alors qu'il devient concierge à la Mairie de Montbron,
Poète, mais surtout musicien, il a exprimé dans son
un poste idéal en ce pays de cocagne et en ces temps de
langage imagé de dialecte limousin l'âme de la jeunesse
douce quiétude où les loisirs vont favoriser sa destinée.
paysanne optimiste et vibrante, de cette jeunesse pleine
Là, il imagine Notro Balêdo en l'honneur de la frairie de
de sentimentalité et insatiable de danse, la vraie
Chez-Manot, commune d'Eymouthiers, son pays natal,
traduction populaire de toute gaieté.
frairie renommée à des lieues à la ronde où cent ménages
Pour comprendre Léonard Voisin, pour bien sentir tout
au moins de Montbron se rendaient, rituellement, cette
ce que renferme de parfum local le rythme lent et léger,
journée d'août, manger le canard sur le pré ou sous la
harmonieux et entraînant de sa musique, pour vibrer tente.
avec lui et sourire à propos aux accents nuancés de sa
Est-ce Chez-Manot que les notes langoureuses de Notro
verve, pour en savourer le sel gris moulu fin, en pénétrer
Balêdo s'envolèrent peur la première fois, au ravissement
l'esprit délicatement sentimental, le réalisme malicieux
du public? Toujours est-il que la chanson fit fureur. On
voilé de tendresse et d'empressement, il faut être
la joua, on la chanta partout. Les jeunes, les vieux, les
Montbronnais, il faut avoir sucé, comme lui, le lait de ce
autres ne pouvaient s'en lasser. Ce fut de fa frénésie!
terroir ou la vie simple est si naturellement en honneur
Quelle émotion, quel triomphe pour l'inventeur!
ainsi que les bals, les chansons et les rires.
Toute la population du Montbronnais a dansé au rythme
C'est entre 1895 et 1900 qu'il composa Notro Balêdo. Il
des valses, polkas, Scottishs, mazurkas et quadrilles de
avait alors trente à trente-cinq ans l'âge de la plénitude
Léonard Voisin qui, avec une pierre d'abord, des
de ses facultés d'homme gai, jovial, d'humeur
caractères ensuite, dans un des sous-sols de l'hôtel de
invariablement épanouie, au service de sa passion pour
Ville de Montbron portant encore l'enseigne
la musique; et, sinon l'âge du recueillement et. de la
“IMPRIMERIE”, tira ses compositions et les répandit
retraite, du moins celui de la stabilité.
dans les centres, villages et hameaux de la régions.
Car; jusque-là, en effet, Léonard Voisin, Sabotier de son
Pendant vingt ans, Voisin a grisé tout le. pays, l'a fait
métier, mais musicien de profession et de vocation, né
tourner dans des rondes endiablées dont les grand-
artiste, auteur avant d'être “éditeur” , après avoir
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mères, à ce rappel du passé, sont encore tremblantes
entraîné la jeunesse à toutes les assemblées, noces et
d'émotion.
réjouissances des régions de Montbron, de Bussière,
d'ailleurs, l'avoir fait sauter, lui avoir infiltré, avec sa Aujourd'hui seuls les anciens connaissent son nom et
clarinette d'abord, son saxophone ensuite, la ses œuvres. Depuis trente ans, le "félibre" original et
langoureuse griserie de ses valses ou le délire de ses sympathique est reparti. Il s'en est allé au pays des
quadrilles, enivré lui-même par ses airs et ses succès, cigales, attiré peut-être par plus de soleil et de lumière
était parti répandre ses œuvres, diffuser son inspiration, ou tout simplement emporté par le flot mouvant de son
souffler son enthousiasme, multiplier ses féeries. destin .
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Avant donc composé une troupe d'artistes, de ceux qui Etudes Locales, 20e année, n. 194, octobre 1939, pp.
se donnent tout entiers sans s'inquiéter s'ils recevront 188-192
en échange au moins de quoi subsister, il organisa des
1 Léonard Voisin éditait lui-même ses œuvres. 2 Léonard Voisin est mort à Castillon-sur-Dordogne en 1936.
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