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Les Mouvements Populaires à Aunac au XIX siècle
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F.-A. Lamiaud, Histoire de la commune d'Aunac (Inédit).
Communiqué par Mme Lamiaud, Institutrice honoraire.
La population d'Aunac, habituée à croire à la nécessité Enfin, un peu après les journées de juin, le 11 juillet
des classes dirigeantes, a une tendance à l'obéissance 1848, une panique indescriptible se répandit dans la
passive. Aussi a-t-elle accepté sans résistance les divers population. 900 insurgés, disait-on, étaient à Chenon,
régimes de gouvernement qui se sont succédé. Elle a commune voisine, où ils mettaient tout à feu et à sang.
toujours été de nature peu effervescente. Il n'est donc En un clin d'œil, tous les habitants, sans raisonner, sans
pas étonnant que, pendant la Révolution de 1789, les se demander d'où pouvaient venir ces insurgés, crurent
jours d'enthousiasme et les jours de deuil n'aient amené fermement au bruit répandu et se mirent en devoir
à Aunac aucun mouvement populaire. S'il y en avait eu, d'aller au secours de leurs voisins de Chenon. Les
le souvenir n'en serait certes pas perdu après moins de piques, les fourches, les faux emmanchées à l'en vers,
100 ans. quelques-unes maniées par des mains de femmes,
prirent la route de Chenon, ou on ne trouva personne,
En 1831, pourtant, la population, qui avait poussé un pas même les habitants de Chenon qui, eux, étaient allés,
soupir de soulagement à l'annonce de la Révolution de
une lieue plus loin, au secours de leurs voisins de
1830, résolut de célébrer par un banquet l'anniversaire
Verteuil, menacés par d'autres insurgés. Détail
des trois glorieuses. Toute la population hommes,
burlesque: Une vieille femme, ayant son tablier plein de
femmes, enfants, prit un repas en commun, repas dont cendres, marchait au combat, se proposant d'aveugler
le vin avait été acheté au compte de la commune. Il y
les insurgés. On avait barricadé le pont d'Aunac avec
eut du trouble à ta fin la fin de la journée.
des charrettes. Sur ces entrefaites, arrive de Ruffec, dans
L'année 1848 vit à Aunac deux manifestations et un sa voiture, M. Brothier, plus tard conseiller général du
mouvement de terreur panique que je vais raconter: canton de Mansle. Cet honorable citoyen était connu
pour ses idées libérales. Ce fut avec bien de la peine
Après le vote de l'impôt de 45 centime, Aunac étant le qu'on consentit à le laisser passer. Et les regards qu'on
siège de la perception, vit arriver les gardes nationaux lui lança, les sourds murmures qu'il excita dans la foule
de Mouton armés pour refuser de payer 1'impôt. Ils qu'il voulait calmer purent lui prouver que, dans l'esprit
auraient pu faire un mauvais parti au percepteur si de ceux à qui il parlait, il était soupçonné de pactiser
celui-ci ne leur avait parlé avec calme et ne leur eût dit: avec les prétendus insurgés.
“Mes amis, je ne puis vous convaincre de payer; faites En 1860, à l'époque où la commune d'Aunac établit un
comme vous l'entendrez.” péage sur les bestiaux amenés sur le champ de foire, les
habitants de Mouton firent une manifestation hostile et
Quelque temps après, une compagnie de dragons campa
déclarèrent qu'ils laisseraient leurs bestiaux sur les bords
sur la place d'Aunac. Leur apparition suffit pour amener
de la route où on ne pourrait les faire payer puisqu'ils
les gens de Mouton et ceux de quelques communes
ne rentreraient pas dans le champ de foire.
récalcitrantes à des idées d'obéissance.
Il fallut que la gendarmerie intervint pour les contraindre
Cependant, quelques jours plus tard, M. Marchive,
ou à rentrer en foire ou à s'en retourner, afin de laisser
sous-préfet de Ruffec, vint visiter le bataillon de la garde
libre la voie publique. Ils finirent par obéir aux
nationale d'Aunac. Le bataillon était réuni dans les prés
injonctions de la police et acquittèrent le droit.
qui touchent le pont. M. Marchive voulut parler.
Aussitôt sa voix fut couverte par des cris de réprobation: Bulletin Départemental de la Charente, Études
“A bas les 45 centimes! à bas le sous-préfet!” Le Locales, 1re année, n. 6, décembre 1920, pp. 88-90
sous-préfet engagea aussitôt le chef de bataillon à faire
rompre les rangs, ce qui fut fait aussitôt.
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