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Charente (16) Vues anciennes - 278

                                        Le Château ou Logis de Marillac-le-Franc

                                                            (XVIIe siècle)

                            D'après M. Ernest Vincent, membre de la Société de géographie de Rochefort
                                         Communiqué par M. Ferrant, instituteur à Marillac.



        Le  château  ou  logis  de  Marillac  paraît  dater  du l'idée de justice, symbolisée alors par la religion, avec
        commencement du XVIIe siècle. Il a dû être bâti à la l'idée de force, représentée par le vieux coq gaulois. Et
        même époque que celui de Marthon. Sa masse est plus cette simple tige mobile, au lieu de se montrer sur le
        légère, moins sombre que les rudes constructions dos logis fière et menaçante, apparaissait plutôt, aux gens de
        siècles précédents; il a quelque analogie avec l'habitation la campagne, comme un gage de confiance donné par
        bourgeoise. C'est un nouveau genre où s'annonce ce le seigneur, en cas de troubles et de danger.
        qu'on est convenu d'appeler le style moderne.
                                                                     La  toiture  et  les  girouettes  disparurent  après  la
        Le plan total est un grand corps de logis, orienté de l'est révolution. Pour une cause inconnue, le propriétaire, M.
        à l'ouest et flanqué, de chaque côté, d'un pavillon de Lapeyre-Belair, rasa le château et fit un grenier du second
        forme rectangulaire. La façade du nord donne sur une étage.  Les  fenêtres  furent  changées,  des  cheminées
        terrasse, limitée sur le devant par des prés et, a droite et fermées ou démolies et, dans l'intérieur des pavillons on
        à gauche, par les deux pavillons qui forment saillie sur abaissa le plafond de certaines chambres.
        le reste du bâtiment. La façade du midi ouvre sur la cour
                                                                     La  physionomie  intérieure  du  logis  se  rapproche
        et les dépendances et fait, avec chaque pavillon, un angle
                                                                     davantage de l'aspect sévère des anciens châteaux.
        sortant égal et opposé à l'angle rentrant de l'autre face.
                                                                     Un escalier de pierre part du corridor et tourne autour
        Les traditions populaires assurent qu'il existait quatre
                                                                     d'une colonne; en forme de colimaçon, jusqu'au dernier
        tourelles servant de colombiers; les deux premières à
                                                                     étage; il est assez large pour laisser passer trois personnes.
        l'entrée  de  la  cour,  la  troisième  sur  le  chemin  de  la
        Grange et la dernière probablement à côté de l'étang.        Au rez-de-chaussée du corps de logis se trouvent la salle
        Une allée d'ifs allait du château jusqu'à la tourelle placée  à  manger,  une  antichambre  et  le  grand  salon  de
        sur le chemin de la Grange.                                  réception. Le pavillon de gauche était réservé pour les
                                                                     cuisines.
        Le pré qui longe le jardin du logis, celui du presbytère,
        et aboutit à ce même chemin de la Grange, porte encore       Les murs de la grande salle sont couverts de boiseries.
        le nom d'allée. Et comme chaque château a sa légende,        Au-dessus  de  la  cheminée,  un  vieux  tableau,  teint  à
        plus ou mains fantaisiste, suivant son importante et la      l'huile, représente des pages et des jeunes femmes en
        date de sa construction, on raconte qu'un souterrain,        costume du XVIe siècle, assis sur banc de pierre, dans
        dont chaque issue est aujourd'hui fermée, partait de la      des  poses  alanguies  et  chuchotant,  sous  les  grands
        cave du logis, passait sous le ruisseau et une partie de     arbres, de doux propos d'amour. Grâce à un assemblage
        l'étang et, traversant les prés, allait sortir dans le parc.  du cadre et de la boiserie, cette peinture recouvre le
        On montre encore aujourd'hui une excavation connue           manteau de la cheminée. Elle a été placée à cet endroit
        sous  le  nom  de  la  Glacière,  où  devait  aboutir  la    bien  après  la  construction  du  château  et  elle  était
        communication        secrète.     Certaines     personnes    destinée à cacher des sculptures défraîchies et grossières
        prétendent, au contraire, que la Glacière était un petit     représentant une tête de cerf entre deux chiens de chasse.
        souterrain servant de chai lorsque, pendant les années
        de grande récolte, la cave du logis ne suffisait pas à       Il y a des pavés à tous les étages; partout se dressent de
        contenir le vin des domaines.                                grandes  cheminées;  les  plafonds  sont  formés  de
                                                                     chevrons distants de trente centimètres à peine les uns
        Les récits des vieillards aiment aussi à montrer les toits   des  autres;  parfois  ou  remarque  sir  le  bois  quelques
        féodaux couverts de girouettes monumentales, un fer          fragments de sculpture. Les pavillons communiquent,
        massif, grinçant au moindre vent. Ces girouettes étaient     au niveau de tous les étages avec le corps de logis; celui
        formées  d'une  croix  que  dominait  un  coq  superbe,      de l'est possède des chambres à coucher avec alcôves.
        dressé sur ses ergots, comme si l'on avait voulu associer

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