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Charente (16) Vues anciennes - 230
Le Gaboureau
par Gilbert Habrioux
Les Gaboureaux ou Gabourets appelés aussi cahutes, d'épaisseur. C'est avec ces pierres que furent construits
on disait “cailluttes”, existent encore en quelques les Gaboureaux et les murs qui clôturaient les vignes.
exemplaires par-ci par-là; il y en a encore deux dans la
Les Gaboureaux avaient presque tous la même forme
commune où je suis né, Château-Larcher (Vienne).
arrondie, coiffés en coupole avec les pierres les plus
grandes; quelques-uns cependant, les plus récents,
avaient des murs à angles droits et étaient couverts avec
des tuiles sur chevrons ou avec de la paille de seigle qui
se recouvrait de mousse au fil des années.
Le propriétaire du Gaboureau était fier de sa
construction, très soignée, entretenue comme sa maison,
y entreposait son matériel, y déjeunait frugalement
quand il y travaillait, accompagné parfois par un de ses
enfants, surtout l'été, à la saison des fruits, car il y avait
au bout des rangs de vigne quelques arbres: un cerisier,
quelques pêchers, des groseilliers, tout ce qu'il fallait
pour le bonheur des enfants, peu gâtés en distractions
à cette époque.
Les sarments de vigne étaient récupérés soigneusement
et mis en javelles; entreposés bien au sec, ils formaient
un combustible apprécié pour certaines cuisines.
Les lendemains de pluie d'orage, c'est par centaines que
l'on ramassait les délicieux petits gris (les fameux lumas
Poitevin, appelés Cagouille chez nos voisins charentais).
Au début de ce XXe siècle qui s'en va bien vite, le
paysage et les habitudes ont été complètement
transformés en quelques décennies. Le phylloxéra,
Au début du siècle, c'est par dizaines que ces petites
d'abord, qui a tué le vignoble, puis la guerre de 14-18
constructions se trouvaient autour de mon village. Elles
qui a vidé le pays de ses hommes valides. Les vignes
avaient été édifiées avec application par les propriétaires
détruites, les clos abandonnés, les ronces et les épines
des petits clos de vignes si bien entretenus avant l'arrivée
ont pris la place; les murs non entretenus se sont
du phylloxéra.
écroulés petit à petit, aidés en cela par les chasseurs qui
Ces vignes qui produisaient un excellent petit vin en extirpaient les lapins dont c'était le refuge, par les
(chenin, folle blanche, cabernet), étaient la propriété non touristes qui prélevaient les plus belles pierres frisées,
seulement des cultivateurs, mais aussi des artisans du spécialité propre à cette commune et que l'on retrouve
bourg et même des journaliers qui entretenaient maintenant autour des petits jardins de rocaille de
soigneusement ce lopin de terre et y passaient la majorité nombreuses habitations urbaines.
de leurs loisirs, réduits aux dimanches et aux fêtes
Le remembrement des parcelles en grandes surfaces a
carillonnées.
été le coup de grâce. Les bulldozers ont rasé murs et
Les vignes étaient "faites" à la pioche une fois par an, Gaboureaux, transporté les pierres dans les chemins
l'hiver, et binées à la houe deux fois au cours de la belle creux, en ont fait des petites routes sur lesquelles on
saison. Chaque piochage détachait, de la couche calcaire peut rouler à cent à l'heure; plus de buissons, il n'y a
du sous-sol, des pierres plates de quelques, centimètres presque plus d'escargots et les chemins ne sont plus "ces
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